Harcèlement moral au travail : comment réagir ? 12 exemples concrets

Rédigé le 17/06/2019



Qu’est-ce que le harcèlement moral ?

Selon les articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail, "le harcèlement à l’encontre d’un salarié est constitué par les agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel".

Selon la psychiatre Marie-France Hirigoyen, auteur d'un Que sais-je ? sur le sujet et qui avait écrit dès 1998 un ouvrage ayant fait autorité sur la question, le harcèlement exige qu'il y ait répétition et "une différence de pouvoir des personnes, c'est à dire, un supérieur hiérarchique ou un collègue qui prend le pouvoir et ne laisse pas à l'autre la possibilité de se défendre".

Elle note que dans pratiquement tous les pays, y compris la France, il n'y a pas besoin qu'il y ait intention malveillante. Dans son ouvrage, elle souligne aussi que tous les niveaux hiérarchiques peuvent être touchés mais que plus on monte, "plus les méthodes sont subtiles et donc difficiles à repérer".

Que prévoit la loi ?

Le harcèlement moral est un délit réprimé par la loi depuis 2002.

Le code pénal indique que le harcèlement est passible de deux ans de prison et 30.000 euros d'amende.

Le salarié se doit d'amener "des faits à peu près précis et concordants pouvant remplir la définition du harcèlement [...], à charge pour l'employeur de démontrer qu'il n'y a pas harcèlement", explique l'avocat Philippe Pataux.

Il relève que les cas qui arrivent au pénal sont très rares, la majorité des dossiers se réglant aux prud'hommes, un autre avocat, Samuel Gaillard, côté salarié, assure que si peu de dossiers sont au pénal c'est parce que "les plus graves transigent toujours".

Quels sont les chiffres ?

Selon une enquête de l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail menée dans 31 pays européens et publiée en 2013, le stress au travail est perçu comme un phénomène courant par plus de 50% des salariés. Causes les plus fréquemment citées : réorganisation ou insécurité de l'emploi, surcharge de travail, harcèlement.

Ce stress au travail va croissant : selon une enquête Sumer (Surveillance médicale des expositions aux risques professionnels), 16% des salariés se disaient victimes d'hostilité et de malveillance au travail en 2003, contre 22% en 2010.

Quels recours ?

La France est l'un des pays au monde où les salariés sont les plus protégés par la loi et par des syndicats, notamment dans les grandes entreprises.

Le site servicepublic.fr  liste les procédures, qui peuvent être utilisées par le salarié en même temps :

- Alerte  des représentants du personnel 

Les représentants du personnel peuvent vous aider dans toutes vos démarches.  Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, dispose d'un droit d'alerte qui lui permet de prévenir l'employeur de tout cas de harcèlement moral.

- Alerte de l'inspection du travail

L'inspecteur du travail pourra constater tout cas de harcèlement moral et, éventuellement, transmettre le dossier à la justice.

- Médiation

Vous pouvez aussi engager une procédure de médiation avec l'auteur des faits. Le choix du médiateur fait l'objet d'un accord entre les deux parties. Le médiateur tente de concilier les parties et leur soumet des propositions écrites en vue de mettre fin au harcèlement : un changement de poste pour l'auteur des faits par exemple. En cas d'échec de la conciliation, le médiateur vous informe de vos droits en cas de saisie de la justice.

- Saisie des prud'hommes

Vous pouvez saisir le conseil de prud'hommes pour obtenir réparation du préjudice subi. La procédure aura lieu contre votre employeur, même si ce n'est pas l'auteur direct du harcèlement. Dans ce cas, votre employeur sera jugé pour ne pas vous avoir protégé contre le harcèlement. Il peut aussi être poursuivi pour licenciement abusif (si vous avez dénoncé des faits de harcèlement).

- Saisie de la justice pénale

Vous pouvez aussi poursuivre au pénal l'auteur direct du harcèlement. Cette plainte peut venir en complément d'une plainte aux prud'hommes contre votre employeur. Par exemple, vous poursuivre le gérant de votre entreprise aux prud'hommes et votre chef de service au pénal. La victime peut porter plainte dans un délai de trois ans à partir du fait le plus récent de harcèlement (derniers propos tenus, dernier mail...). La justice prendra alors en compte tous les faits de harcèlement venant du même auteur. Et ce, même si le harcèlement dure depuis plusieurs années.

1. Dénigrement et brimade

En l'espèce, le salarié avait reçu des ordres et des critiques d'une salariée qui se serait comportée comme sa supérieure et lui aurait lancé des quolibets. Elle avait aussi été destinataire de courriers "insistants" de son employeur. 

2. Critique injustifiée

Le supérieur hiérarchique de la salariée  s'était livré de manière répétée et dans des termes humiliants à une critique de l'activité de cette dernière, en présence d'autres salariés (2)

3. Humiliation publique

Propos blessants et humiliants proférés de manière répétée par un supérieur hiérarchique (3).

4. Mesure vexatoire

Le salarié avait fait l'objet de multiples mesures vexatoires, telles que l'envoi de notes contenant des remarques péjoratives assénées sur un ton péremptoire propre à le discréditer, les reproches sur son "incapacité professionnelle et psychologique" et sa présence "nuisible et inutile", le retrait des clés de son bureau, sa mise à l'écart du comité directeur, la diminution du taux horaire de sa rémunération. La Cour de cassation a retenu que ces faits ne pouvaient être justifiés par l'exercice par l'employeur de son pouvoir de direction  (4).
 

5. Tâche dévalorisante

Le fait de confier à un salarié des tâches ne correspondant pas à sa qualification, d'opérer des retenues sur salaire injustifiées et d'opérer un discrédit auprès de ses collègues (5).

6. Agressivité

Comportement agressif du supérieur hiérarchique traduisant une volonté de restreindre les fonctions du salarié (rétrogradation) en l'absence d'explications (6).
Autre espèce dans laquelle la Cour de cassation a relevé que les propos dénoncés par la partie civile ("comment on peut engager des bons à rien comme cela" et "si vous ne savez pas porter, vous n'avez qu'à pas prendre des métiers d'homme"), excédaient, quelle qu'ait été la manière de servir de la partie civile, les limites du pouvoir de directiondu prévenu (7).

7. Tâche dépassant ses capacités

Confier au salarié de manière habituelle une tâche dépassant ses capacités et mettant en jeu sa santé (8)

8. Mise au placard

Salarié installé dans un local exigudépourvu de chauffage  et d'outils de travailavec interdiction de parler à ses collègues (9).

9. Privation d'outils de travail

Injures à caractère racial et défaut de bureau, d'ordinateur et de téléphone au retour d'un congé maternité (10).

10. Avertissements infondés

Salariée subissant 4 avertissements dont aucun n'est fondé et sans reproche préalable  (11).

11. Déclassement

 
Salarié déclassé suite à une nouvelle classification conventionnelle après avoir fait l'objet de 3 avertissements irréguliers  (12).

12. Pression disciplinaire

Nombreuses convocations à des entretiens préalables dans 4 procédures disciplinaires dont 2 restées sans suite pendant une période de fragilité du salarié et une inaptitude liée à son état dépressif résultant de la dégradation de ses conditions de travail (13).

Depuis la loi Travail (14), il suffit pour le salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement pour disposer de moyens d'action à la fois devant le Conseil des prud'hommes et devant le juge pénal (15).

 

Attention toutefois à ne pas commettre d'abus de dénonciation, car accuser son employeur de faits inexistants de harcèlement moral peut justifier le licenciement pour faute grave. Il est préférable de se faire conseiller par un avocat avant d'agir en justice.

(1) Cass. Soc. 24 juin 2009, n°07-43994
(2) Cass. Soc. 8 juillet 2009, n°08-41638
(3) Cass. Soc. 12 juin 2014, n°13-13951
(4) Cass. Soc. 26 mars 2013, n°11-27964
(5) Cass. Crim. 6 février 2007, n°06-82601
(6) Cass. Soc. 24 juin 2009, n°07-45208
(7) Cass. Crim. 19 juin 2018, n°17-82649
(8) Cass. Soc. 7 janvier 2015, n°13-17602
(9) Cass. Soc. 29 juin 2005, n°03-44055
(10) Cass. Crim. 16 février 2010, n°09-84013
(11) Cass. Soc. 22 mars 2007, n°04-48308
(12) Cass. Soc. 16 avril 2008, n°06-41999
(13) Cass. Soc. 18 mars 2014, n°13-11174
(14)  Loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels
(15) Article L1154-1 du code du travail

 
 

FO : Si vous estimez être harcelé, n'hésitez pas à solliciter vos déléguée FO pour vous accompagner dans la démarche.